• en vacances pour le moment mais la liste des spectacles à voir cette saison ne fait qu'augmenter... à suivre donc.


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  • 5 mai 2011: La Balsamine

    mars 2011

     Un cœur bat. Des images défilent comme sur un vieux parchemin. Un pantin tombe. Quatre figures d’ombre, habillées de noir, se penchent sur lui. Soudain il s’anime et part, les oiseaux noirs le suivant.

     

    Des sirènes, un homme perdu. Un pantin au révolver qui le menace. « Cet endroit est plus sévère qu'une prison. C'est une putain d'école. » Le décor est posé.

     

    L’école des ventriloques c’est avant tout un projet fou qui naît dans la tête de Jean Michel d’Hoop et de sa compagnie et dans celle de Jodorowsky. En 2004, la compagnie Point Zéro crée L’opéra Panique de Jodorowsky et celui-ci assistait à l’avant-première. Première rencontre.

     

    De nombreux points communs se tissent entre l’auteur et la compagnie. Thèmes abordés (recherche de l’identité, l’homme et lui-même, la société actuelle, le rôle de l’artiste…), esthétisme (la marionnette, point de départ pour Jodorowsky et première tentative de la compagnie avec le spectacle Le Village en flammes de Fassbinder en 2001).

     

    L’aventure commence. L’auteur ressort d’un de ses vieux tiroirs, un texte : L’école des ventriloques, un conte, une farce au langage crû où l’on suit un personnage, Céleste, tombé dans une école de ventriloques où les élèves s’effacent au profit de leur pantin. Métaphore de l’artiste, de la vie également où l’on ne peut que choisir de jouer son rôle, qu’il soit de suivre ou de se rebeller.

     

     

     

     

     

    …J’ai d’emblée vu en la marionnette une figure hautement métaphysique.  

     

    Tout d’abord, j’étais fasciné 

     

     de voir un objet fabriqué de mes propres mains m’échapper.  

     

    Dès que je mettais ma main dans la marionnette pour l’animer, 

     

    le personnage se mettait à vivre de manière quasi autonome.  

     

    J’assistais au déploiement d’une personnalité inconnue,  

     

    comme si la poupée se servait de ma voix et de mes mains pour prendre une identité qui lui était déjà propre.  

     

    Au lieu d’être un créateur,  

     

    il me semblait faire office de serviteur.  

     

    Finalement, j’avais l’impression d’être dirigé, manipulé par la poupée ! 

     

     Cette relation si profonde avec les marionnettes a fait naître le désir  

     

    de devenir moi-même une marionnette,  

     

    autrement dit un acteur de théâtre…

     

     

     

                    Alejandro Jodorowsky, extrait du « Théâtre de la guérison »[1]

     

     

     

    Un cœur bat. Des images défilent comme sur un vieux parchemin. « Moi, ce n'est pas moi » ; « Moi, c'est celui qui est tapi dans l'ombre de mon esprit »; « Moi je m'efface pour que Cela advienne »...

     

    Crédo de l’école. Doctrine. Dogme. Qui s’attache aux pieds et à l’âme des élèves comme les fers aux pieds des galériens, avalés tout entiers dans le battement du rythme de rame, comme les marionnettistes sont avalés au rythme de leur pantin.

     

    Le fer du décor. Une structure métallique comprenant des casiers, des tiroirs, un écran. Cette structure modulable (les casiers sont amovibles) permet aux acteurs d’entrer et sortir de scène discrètement et de pourvoir aux nombreuses entrées et sorties de scène dues aux nombreux changements de costumes, de marionnettes, de personnages en somme. Ces casiers rappellent également les loges des artistes car ils sont matelassé de rouge et comportent un miroir entouré de petites lampes. Vestiaires, loges, mais aussi cercueils aux accents de vampires d’où les morts se relèvent, pas tout à fait morts, pas tout à fait vivants non plus, un peu comme les marionnettistes de l’école, esclaves de leur marionnette, qui ne peuvent vivre sans elles. Ces casiers enfin qui ramènent à la marionnette rappelant l’utilisation des boîtes à guignols.

     

    On ne s’étonnera pas du choix du théâtre de La Balsamine comme cadre d’une première représentation et comme cadre de la reprise. Squat avant d’être théâtre, toujours lieu d’avant-garde, La Balsamine a toujours privilégié le théâtre comme lieu de recherche, de dénonciation et d’interaction avec le public. Dès lors, un spectacle qui s’interroge sur la société et dénonce son absurdité, qui s’en va à la recherche du fondement de l’acteur et de l’homme ne pouvait que trouver sa place dans un tel lieu… même si celui-ci s’embourgeoise, car de nos jours, la contestation est très tendance. Heureusement, le spectacle tourne, et de manière internationale : France, Espagne, Russie. Malgré un décor assez imposant (mais en pièces détachées, comme chez IKEA) et des contraintes techniques, le spectacle trouve sa place dans de nombreuses salles.

     

    Un cœur bat. Des images défilent comme sur un vieux parchemin.  « La loi, si elle n’est pas dure, n’est pas loi »

     

    Critique de notre société occidentale actuelle où la sécurité devient cadenas et interdits. L’école des ventriloques mixe deux systèmes sociétaux : le modèle disciplinaire et le modèle de contrôle.[2] Selon Deleuze, le système disciplinaire conduit les individus de milieux fermés en milieux fermés, répétant sans cesse la même chose, là où le système de contrôle n’a pas de fin, il est, invariablement et infiniment. L’éternel recommencement du système disciplinaire se retrouve dans la volonté de la mise en scène de faire recommencer le spectacle à son début, à la chute et aux manipulateurs en noir. Le combat mené par Céleste contre le système carcéral dans lequel il est tombé (ironie, lui qui échappait aux sirènes de police) serait-il vain ?

     

    Le système de contrôle pose, toujours selon Deleuze, le problème de l’impossibilité d’une révolte collective puisque cette société tend à l’individualisation en vue de l’isolement. Cet isolement se retrouve dans le personnage de Céleste, mais aussi dans celui de l’artiste, entouré des différentes éminences (armée, éducation, religion, justice) et montré du doigt dès qu’il émet l’idée de se révolter contre le Sacro-saint directeur, quant il ose émettre l’idée d’élever son âme (mise en abyme de la marionnette manipulant une autre marionnette).

     

    Interrogation du statut de l’artiste, de l’acteur, et à travers elle, surtout de l’homme. De sa recherche de lui-même, de ce rôle de plus en plus difficile à cerner dans une société de technologies.

     

    « se libérer ne croyez surtout pas que c’est être soi-même, c’est s’inventer comme autre que soi »[3]

     

    S’inventer une marionnette, se libérer du qu’en dira-t-on et exprimer ses plus viles facettes. Voilà ce que la maquerelle, manipulée par une nonne, annone à Céleste. Mais celui-ci voudra lutter, voudra mener ce combat et prendra tour à tour, Le Saint, Le Génie et Le Héros. Trois figures nobles mais qui se résumeront à un naïf, un prétentieux et un téméraire. Tous trois retourneront au placard, tués par ceux qu’ils ont voulu aider.

     

    S’inventer une marionnette ou s’inventer un humain. On ne sait plus vraiment qui est manipulé et qui manipule, qui est vivant et qui ne l’est pas, et ce Sacro-Saint Directeur toujours invisible mais toujours là, comme Big Brother, surveillant tout, contrôlant tous les essais et observant la vie de ses élèves comme d’autres regarderaient un match de foot, avec assuétude et pour tromper l’ennui.

     

    Se faire marionnette, comme disait Rilke, pour atteindre son essence, sa vérité.

     

     « J’ai toujours dit que je ne suis pas un chien, donc je n’ai pas de nom ; il y a la personnalité qu’on m’a formé, dans ma famille déjà dans le ventre de ma mère on m’a passé la névrose parentale, la névrose des grands-parents, la névrose des arrière grands-parents, l’école m’a passé sa névrose, la société m’a passé sa névrose, l’histoire malade m’a passé sa névrose donc je ne suis pas qui je suis, je porte un masque, je porte un carcan, je suis coincé, alors je suis mutilé, alors mon premier travail c’est arriver à moi-même, arriver à moi-même et me découvrir, si je peux découvrir qui je suis… » 

     

     

     

    Extrait d’interview d’Alejandro Jodorowsky 

     

    Une quête de l’identité dans une société en perdition qui nous plonge dans un spectacle au graphisme de BD (et Jodorowsky connaît bien le milieu), aux marionnettes expressives, à la musique « live » et à la confrontation de différentes disciplines. Les acteurs se dédoublent magistralement mais il reste cette distance tellement grande entre les émotions et nous que le spectacle se regarde comme de l’extérieur, comme ce sacro-saint directeur, du haut de notre siège, sans prendre part à ce qui se trame devant nous.

     

     


    [1]Extrait se retrouvant dans le dossier pédagogique du spectacle : http://www.pointzero.be/ecole.php?idimg=2&idspe=39

    [2] Voir Gilles Deleuze et Alain Damasio http://www.lavolte.net/lazonedudehors/essais.php 

    Deleuze, "Post-scriptum sur les sociétés de contrôle", in L 'autre journal, n°1, mai 1990

    [3] Alain Damasio, La zone du dehors, Clamart, La Volte, 2007, p. ? trouvé sur http://www.lavolte.net/lazonedudehors/extraits.php# « ne soyez rien, devenez sans cesse »

     


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    mercredi 2 mars: théâtre National

    Accueil

     

    « tiens-moi…ne pars pas…reste…je te hais…j’ai besoin de toi…ne me quitte pas…j’en aime….un autre ». 

     

    Fragments de vie. Que tout le monde a vécu ou à vu vivre. « On ne vit jamais sa vie toute entière. On la vit par fragments. »[1] Mais comment raconter des fragments ? Comment monter ces séquences qui défilent chaque jour sous nos yeux. Comment on parle de la vie ? de sa vie ? de leur vie ? Frank Richter s’est beaucoup penché sur la question et dans Play Loud, il s’est entouré de six performeurs qui ont construit la pièce avec lui. Quand on se souvient de quelque chose, on le fait toujours au travers d’impressions, d’images, de couleurs, de sons… Combien d’entre nous, à l’écoute d’une chanson, n’ont pas revécu en pensées un moment passé ? C’est ce que Richter va utiliser comme supports : le son, les images, la mémoire.

     

    Trois performeurs belges (Lucie Debay, Cédric Eeckhout, Gaël Maleux), une performeuse allemande (Anne Tismer), un danseur allemand (Franz Rogowsky) et un musicien belge (Greg Rémy). Tous en pyjama. Tous de grands enfants sur une étagère à souvenirs où ils dégringolent et cabriolent des dvd’s aux peluches. D’où ils essaient péniblement de s’extraire mais où ils reviennent encore et toujours. On ne se débarrasse pas comme ça de ses souvenirs.  De grands enfants qui rêvent. Qui rêvent d’un jour idéal sans publicité, sans voiture, sans stress, sans technologie. Juste des gens. Et pourtant. Et pourtant ils sont cernés de trois écrans qui rythment leurs souvenirs. Trois écrans qui accompagnent et illustrent leurs tranches de vie. Et pourtant, leurs voix sont, la majorité du temps, différées par des micros, transformées en cri, en échos, en bruissement. Nous ne sommes pas vraiment en direct. On plonge dans les souvenirs à rebrousse-temps. On y entre sans début, on y part sans conclusion. Interrogation de la technologie, du virtuel. Que reste-t-il de notre réalité dans un monde de plus en plus différé par un écran. Ordinateurs, I-Phones, Web Cam… On se rencontre, on parle, on vit même parfois dans ce monde virtuel. Interrogation de nos valeurs. La recherche du bonheur. Laquelle ? Celle de la consommation ? Solitude. Eloignement. Perte de sens. «  J’aimerais bien qu’on soit proches.  Mais on est proches. Je veux dire, d’accord on est proches, mais je veux dire, mon dieu, je veux dire, proches proches, vraiment proches, proches autrement. » 

     

    Bien que rythmée par des chansons magnifiquement interprétées par les performeurs et arrangées et accompagnées par Greg Rémy (Ginzhu), Play Loud est une pièce de théâtre et non, comme certain l’ont avancé, un concert. Car l’important ce ne sont pas les chansons, c’est l’histoire, les histoires. Celles des comédiens, des personnages, celle de l’auteur et enfin la nôtre.

     

    Nous qui sommes pris à témoin, incorporés parfois, agressés par des peluches. Nous à qui on nous rappelle à un moment que ce n’est que du théâtre et que Franz pourrait être le frère de River Phoenix.  Ce n’est que du théâtre, vraiment ? Oui mais c’est aussi et surtout la vie.

     



    [1] Marco Fizzi

     


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  • mercredi 11 mai 2011

    Accueil

    Du bruit, du bruit, du bruit. Voilà comment nous accueille le spectacle. Avec ma fâcheuse tendance à arriver à l'avance et à oublier que les gens trouvent souvent normal d'arriver en retard, j'ai pu éprouver ce bruit un certain temps.Mais soit, ça ne m'a pas dérangée tant que ça. Quand le silence se fait enfin, après deux trois "ahhhh, ouf, enfin" des spectateurs, les rumeurs de la ville nous parvienne avec une vue aérienne de routes et voitures stylisées bien sûr.

    Il faut savoir que la scène n'est pas apparente et qu'un écran se dresse menaçant devant nous, à même pas un mètre de la première rangée. Le ton est posé. La problématique scénographique sera donc celle de l'écran, de la technologie, du réel, du différé.

    Un lampe rouge s'allume, quelqu'un entre-ouvre un store, une ombre en contre-jour.

    la comédienne se lève, se retrouve dans la cuisine, démarre sa journée... voilà.

    Si la scènographie est magistrale, intéressante dans son questionnement sur le réel et sur l'essence même du théâtre, nous perturbant par des lieux qui changent de place, qui tournent, par des prises de vues filmées en direct ou non qui opèrent en miroir, le fond n'y est pas. ça va trop vite et cette vitesse rend le propos infondé, pas crédible. La fin est prévisible très tôt et n'apporte aucune surprise, j'aurais aimé voir autre chose.

    ni la comédienne, ni la mise en scène n'est en défaut, le problème vient de la dramaturgie.

    J'ai eu l'impression que Fabrice Murgia s'est retrouvé le cul entre deux chaises et n'a pas su aller jusqu'au bout de ce qu'il proposait. D'un côté, sa pièce est trop courte et son développement va trop vite, d'un autre côté, une pièce sans dialogues parlés comme celle là n'aurait sans doute pas pu prendre beaucop plus de temps.

    Ce qui fait que l'on reste sur sa fin, oui c'est beau, la scénographie est, je le répète, géniale, mais...


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